Les Fusions de Communes

MAUBRAY ET LES FUSIONS DE COMMUNES

Auteur : Omer HELLIN

Considérant que nos communes n’étaient plus adaptées, pour la plupart, aux nécessités de la vie moderne en matière de services à rendre à la population, un regroupement sous une forme ou sous une autre a paru indispensable aux yeux des instances dirigeantes de notre pays. Les ministres de l’intérieur qui se sont succédé au cours des décennies 1960-1970 ont tous pris ce problème en considération à bras le corps.
Quid de la commune de Maubray ? C’est le regard que nous portons ci-après en nous référant aux divers documents d’archives dont nous avons eu connaissance.

I. LA FEDERATION DE TOURNAI

  • Début 1971, la commission spéciale de la chambre des représentants examina un projet, repris sous le numéro 868, relatif à des « fédérations de communes ». A la différence des « fusions », qui consistaient en l’addition de plusieurs communes pour en former une nouvelle, les « fédérations » constituaient une association de différentes communes voisines qui toutes gardaient leur propre conseil communal, leur propre bourgmestre, leur propre collège échevinal. Les fédérations devaient être gérées par un Conseil (à élire au suffrage universel direct et renouvelable tous les six ans) et un Collège (à désigner par le Conseil). Le projet précisait les compétences, relativement larges, de ces fédérations.
    Les députations permanentes avaient pour tâches de dresser la liste des « communes-pilotes » pouvant être les chefs-lieux de fédérations. Mais le service de l’Aménagement du territoire, attaché au ministère des travaux publics, avait pris les devants et déjà établi pour l’ensemble de la Belgique une proposition de découpage basée sur les nombres d’habitants au 31/12/1969.

  • Sur cette carte, Maubray figurait dans la « Fédération de Tournai », qui regroupait 43 localités, totalisant une population de 83.000 habitants sur 20 km de côté ! Le découpage proposé provoqua immédiatement une levée de boucliers de la part des bourgmestres du sud-est de Tournai.
Fédération de Tournai
Le samedi 20 mars 1971, au cours d’une réunion organisée à l’hôtel de ville d’Antoing en présence de 15 bourgmestres de cette région sud-est, les mandataires communaux ont, à l’unanimité, déclaré que la « fédération de Tournai » telle que proposée était, par son gigantisme, un « monstre inacceptable », aux proportions hors de mesure par rapport aux autres fédérations qui l’entouraient et mettant en présence des intérêts divergents. Les mandataires ont estimé qu’il fallait la diviser en plusieurs petites fédérations et ont voté une motion dans ce sens. Bléharies, Hollain, Jollain-Merlin, Lesdain, Péronnes, Maubray et Vezon ont, à cette occasion, exprimé le souhait de se fédérer avec Antoing.
Ci-après, réunis sur le perron, les mandataires qui refusaient la solution proposée :
  • 20 mars 1971
  • 20 mars 1971

Le 29 mars 1971, le collège échevinal de Maubray confirmait déjà, par une lettre adressée à la Ville d’Antoing, son souhait exprimé publiquement lors de la réunion du 20 mars; elle signalait que « Le destin de Maubray nous apparaît logiquement lié à celui d’Antoing vers qui vont nos sympathies ».

  • Par la suite, la fièvre a quelque peu tombé; le projet fut d’ailleurs abandonné. Un document du ministre de l’intérieur envoyé aux gouverneurs de provinces rappela toutefois qu’il entendait mener à bien la restructuration des communes belges mais que, pour lui, C’ETAIT D’ABORD LES FUSIONS QU’IL FALLAIT REALISER.
II. LA FUSION

A. AVANT-PROPOS.
  • Au début de la décennie 1970, les FUSIONS de communes constituèrent un problème qui, au niveau national, fut d’une actualité brûlante. Il n’est pas une seule d’entre elles qui s’en désintéressait. Certaines les approuvaient, mais souvent sans enthousiasme et en émettant des réserves. D’autres s’y opposaient, le souci d’autonomie restant très grand d’une manière générale. Il faut dire que la composition des nouvelles entités géographiques à formater, leur étendue, constituaient un vaste sujet de préoccupations, d’interrogations, voire de craintes et d’inquiétudes. Ce processus de refonte des limites territoriales de collectivités locales ne se déroula donc pas sans heurts. On ne se trouvait plus dans l’hypothèse d’une FEDERATION mais bien d’une FUSION.

  • En ce qui concerne Maubray, les positions du conseil communal unanime furent claires dès le départ et n’évoluèrent guère dans le temps : « Une fusion ne présente pas pour Maubray un caractère d’urgence ni une nécessité impérieuse. En effet, considérant la situation actuelle, la commune est capable de « vivre » et de « prospérer » en restant AUTONOME ». Et d’énoncer les motivations qui étayaient ce choix :
    • Rénovation en cours de tout le réseau routier,
    • Finances saines,
    • Commune agricole pouvant prétendre à un avenir touristique,
    • Bretelle d’accès à l’autoroute ouvrant des possibilités d’implantation d’entreprises,
    • Zones de délassement le long des canaux,
    • Politique de construction d’habitations sociales.
Le bourgmestre BRABANT se disait ouvertement « non motivé » par la fusion, préférant la formule des associations volontaires de communes qui, tout en conservant leur autonomie auraient regroupé certains services (incendie, eaux, voirie…) sous une tutelle éclairée. Mais, ajoutait-il, « LA FUSION, IL FAUDRA BIEN LA SUBIR CAR LA LOI NOUS Y OBLIGE »

B. LA LOI DU 23 JUILLET 1971.
Effectivement, la procédure relative aux fusions de communes a été définie par la loi du 23 juillet 1971. Aux termes de celle-ci, les fusions devaient se fonder sur des critères objectifs (d’ordre géographique, économique, urbanistique, culturel, social, financier) et répondre, autant que faire se pouvait, aux aspirations de la population, en vue de créer des entités aussi homogènes que possible. La complémentarité devait être la norme. S’il n’était pas possible que les considérations politiques n’aient pas d’influence dans le choix, il fallait qu’elles ne soient pas déterminantes. L’objectif minimum était de 5.000 habitants et une superficie de 3.000 hectares en tenant compte des particularités régionales. A l’échelle du pays, de nombreux projets furent conçus en fonction de la réalisation de cette opération.

C.LES DIFFERENTES ETAPES

  • Le plan COSTARD.
Un plan, dit Costard (du nom du directeur général du ministère de l’intérieur) fut concocté au sein de ce ministère et rendu public en août 1972. Il consistait en un avant-projet de fusions des communes du pays en vue de les ramener de 2.359 à 595.
La carte élaborée groupait autour d’Antoing les communes de Bruyelle, Calonne, Fontenoy, Maubray, Laplaigne et Péronnes, pour un total de 9.547 habitants (en 1970) et une superficie de 3.711 hectares.
Le plan 'Costard'

En juillet 1972, le ministre demanda aux gouverneurs de provinces et, via eux, aux députations permanentes de se prononcer sur ces schémas.

  • Le plan du gouverneur du Hainaut.
Pour répondre à la demande ministérielle, le gouverneur VAES du Hainaut mit sur pied sept commissions administratives comprenant notamment des représentants de la province et les commissaires d’arrondissements pour l’aider à se faire une opinion sur les fusions qu’il était possible d’envisager dans la province. Les conclusions présentées par ces commissions avaient un caractère officieux – tout comme le plan Costard d’ailleurs – et n’engageaient pas l’avenir… mais n’ont pas manqué de l’influencer. Ce « document de travail » était donc amendable; il était destiné à la députation permanente afin qu’elle puisse, au moment opportun, donner un avis au ministre de l’intérieur. La province avait un rôle de transmission d’informations, non de décision.

La députation permanente envoya les deux documents (plan Costard; plan établi par les commissions créées par le gouverneur) aux communes en leur demandant un avis.
 
D. LE CAS DE MAUBRAY
  • La circulaire du 8 juin 1973 du gouverneur du Hainaut présentait deux projets de fusion pour Maubray :
    • la fusion avec Antoing
    • l’autre plan prévoyait : Wiers, Brasménil, Callenelle, Maubray.

  • Lors de sa séance du 25 septembre 1973, le conseil communal de Maubray, à l’unanimité, donna sa préférence à l’incorporation de la commune dans une « entité à créer autour de la ville d’Antoing, comme prévu dans le projet ministériel. Tout autre groupement, précisait-il, serait incompatible avec les exigences et réalités géographiques, économiques et financières ».

  • En ce qui concerne la commune d’Antoing, son souhait, émis le 28 septembre 1973 était de voir fusionner avec la capitale du pays blanc les communes de Bruyelle, Calonne, Fontenoy, Laplaigne, Maubray et Péronnes, soit 7 localités. Le plan du ministre de l’intérieur Joseph MICHEL (considéré comme le père de la fusion des communes) datant du 9 janvier 1975 respecta ce vœu, A L’EXCEPTION DE LAPLAIGNE. Un timing de 90 jours était prévu pour soumettre au ministre intéressé les modifications ou contre-propositions éventuelles souhaitées à son plan.

  • Ainsi, le 25 janvier 1975, une quarantaine de personnes, mandataires et secrétaires communaux se sont réunis à l’hôtel de ville d’Antoing, en réponse à l’invitation de son bourgmestre, pour délibérer sur le découpage régional proposé par le ministre de l’intérieur : 
  • 25 janvier 1975
  • 25 janvier 1975

Au cours de cette réunion, il est apparu que Chercq, Vaulx, Laplaigne et Vezon souhaitaient se joindre à l’entité proposée par le ministre (Gaurain-Ramecroix et Barry différant leur décision) afin d’obtenir un « regroupement plus élargi, équilibré et efficace conservant une échelle humaine » :

Chercq, Vaulx, Laplaigne et Vezon souhaitaient se joindre à l’entité

Une motion (25/01/1975), reprenant les arguments qui appuyaient cette contre-proposition de remembrement, fut votée par les mandataires communaux concernés et adressée au ministre de l’intérieur :

Les signatures

Cette motion exprimait notamment le regret que la procédure envisagée par le ministre de l’intérieur s’écartait du principe initial établi par la loi du 23/07/1971 en substituant à la notion de fusions volontaires celle de fusions imposées. Le conseil communal de Maubray du 21/02/1975 marqua par ailleurs, à l’unanimité, son accord à l’ajout des communes périphériques visées ci-avant.

  • MAIS RIEN N’Y FIT : la position du ministre resta inchangée. La loi, dite « loi des fusions » intégrant Maubray dans le grand Antoing, avec Bruyelle, Calonne, Fontenoy, et Péronnes (mais SANS Laplaigne) fut proclamée le 30 décembre 1975 et mise en vigueur le 01/01/1977 :
La loi, dite « loi des fusions » intégrant Maubray dans le grand Antoing, avec Bruyelle, Calonne, Fontenoy, et Péronnes

Le document de travail établi sur base des chiffres de 1970 se présentait comme suit :

HabitantsHectares
Antoing3443464
Bruyelle883322
Calonne865242
Fontenoy644329
Maubray11421080
Péronnes1323651
TOTAL83003088

Maubray apparaît comme étant de loin la commune la plus étendue.
En 1975, l’entité comptait moins d’habitants (8.006) :

Habitants
Antoing3313
Bruyelle926
Calonne770
Fontenoy625
Maubray1036
Péronnes1336
TOTAL8006